À la Une

Bienvenue sur les étagères de ma bibliothèque…

Policiers, thrillers, jeunesse, fantasy, littérature française ou étrangère…  Chez moi, on trouve un peu de tout ! Je n’ai d’a priori ni sur les genres, ni sur les auteurs ou sur les maisons d’édition. Je fonctionne aux coups de cœur et souvent aux recommandations : une jolie couverture, un résumé ou un extrait intrigant, drôle ou émouvant, un avis qui donne envie sur Instagram et c’est parti ! Mes envies livresques sont guidées par ma curiosité.

Sans prétention aucune, je vous livrerai donc ici mes avis sur mes lectures, mes coups de cœur comme mes déceptions. Mais pas que ! Cette page vivra à mon rythme et j’y laisserai aussi mes humeurs, mes réflexions, toutes ces choses que l’on veut dire sans savoir à qui.

Je vous emmène donc avec moi découvrir ce qui se passe devant et derrière mes lunettes…

Les possibles, de Virginie Grimaldi

Voir les possibles quand certains ne verraient peut-être que ce qui ne le sera plus.
Voir tout ce qu’il reste, à faire, à dire, quand l’horizon semble se réduire.
Voir le présent en grand quand le futur se trouble.
S’attarder plutôt que se projeter.
Regarder plus large à défaut de voir plus loin. Tourner la tête pour voir autour.

Savoir regarder la porte fermée et y trouver, en prenant le temps de l’observer, le trou de cette serrure sans clé. Y jeter un œil, s’y glisser, et voir l’essentiel, le chemin qui continue, juste là sous nos pieds. Y cueillir ce qu’on y trouve et regarder les merles dans les cerisiers. Ramasser leurs plumes pour s’en faire un panache de guerrier.
Chanter. Écouter.
Et puis apprendre les pas de côté, dans l’herbe, près de notre sentier. Celle-là même qui, à bien y regarder, n’est effectivement pas plus verte qu’ailleurs mais qui est la nôtre et qu’on se surprend à aimer.

Les possibles, c’est tout ça et plus encore. C’est l’histoire de Juliane et Jean, d’une fille et de son père. L’histoire de l’une qui recueille l’autre. De ceux qui se souviennent pour celui qui oublie. D’un esprit qui s’éparpille et s’échappe et de ceux qui marchent assez droit pour le soutenir mais qui savent aussi zigzaguer pour le suivre. De ceux qui courent aussi. De ceux qui aiment surtout.

Que vous dire de plus si ce n’est que Virginie Grimaldi m’a ramené loin, en arrière et en dedans ? Elle m’a guidée là où je ne voulais plus aller, m’a aidé à voir mes regrets et les a transformés en des souvenirs moins lourds à transporter. Elle m’a fait rire et beaucoup pleurer. M’a offert une histoire que je n’oublierai jamais.
Oui, elle sait faire ça Mme Grimaldi. Elle sait écrire et panser. Elle sait trouver les mots qui sourient, ceux qui bouleversent, ceux qui apaisent et qui consolent.
Nos cœurs dans le viseur, le sien dans le carquois, sa plume à elle, elle ne s’en coiffe pas mais la tient entre ses doigts. Elle a visé, toujours aussi juste, et m’a encré le cœur de ses Possibles. Et j’ai grimaldisé. Encore.

Zébu boy, d’Aurélie Champagne

Je ne saurais pas vous dire d’où ça venait, de la forêt, de l’aody, d’Ambila lui-même peut-être, mais ce qui m’a submergée sur la fin venait de loin.
Je ne saurais pas vous dire depuis quand précisément, d’un mot, d’une phrase, d’un chapitre peut-être, mais ça faisait quelque temps que ça m’enserrait.
Vous le voyez, je ne saurais pas vous expliquer précisément pourquoi mais je me suis laissée prendre. Dans le mouvant, le vivant. Laissée happer comme par une bahine, un courant, qui m’a emportée sans prévenir et m’a emmenée loin. Au large de Madagascar. Au cœur de sa forêt. Collée à celui, battant, d’Ambila. Et ce n’est qu’en refermant Zébu boy que je me suis échouée, lessivée par le tourment et l’histoire de celui qui revient. Celui qui reste.

Tout commence en mars 1947 à son retour de la guerre en métropole, après qu’il ait combattu pour « la très grande France ». Enrôlé pour servir un pays qui le méprise et l’oublie, le colonise et l’asservit, Ambila revient sur une terre qui tremble de colère. Etayé de ses espoirs depuis son départ, son retour se heurte au temps qui a passé, soufflant, emportant, et aux colères qui se sont soulevées. Son chemin n’a plus rien de familier mais qu’importe, il avance quand même. Et nous avec.
En l’accompagnant, j’ai voyagé dans le temps et sur les pistes, dans une 202, une rosalie, un wagon à bestiaux. À pieds aussi, nus ou mal chaussés. J’ai eu peur. J’ai ressenti la colère et la souffrance. L’envie de hurler. J’ai lu à m’en faire tourner la tête, accrochée comme je pouvais à cet homme, Ambila. Le Zébu boy. Celui que je n’oublierai sûrement jamais.

Requiem pour une apache, de Gilles Marchand

Ceci n’est pas un livre. C’est une porte que vous ouvrez. Et c’est chez Jesus que vous arrivez. En tout cas, c’est ce qu’il m’est arrivé. À peine la première page poussée, j’ai vu le juke box, entendu la guitare, reconnu Dolly Parton, et me suis assise. Autour de moi, ils étaient là. Jolene, Mario, Marcel, Joséphine, Suzanne et les autres. Ils ne faisaient pas beaucoup de bruit au début, mais il suffit parfois d’un rien, d’une allumette, une toute petite étincelle, pour que même les plus taiseux s’enflamment.

Alors, verre en main, j’ai écouté Wild Elo les raconter, eux et la flamme, et plus l’histoire avançait, plus je leur tenais la main. Sourire, yeux mouillés, coeur serré, je comprenais. Faut dire que ça me parlait ce qu’ils vivaient, alors j’étais un peu chez moi au milieu de ceux-là. Oui, eux. Ces gens-là. Ceux qui sont trop ou pas assez. Les moches, les gros, les petits, les grands. Les colorés, les basanés, les trop blancs, trop roux, trop blonds, trop poilus. Ceux qu’on voit mais qu’on ne regarde jamais. Les transparents mais dérangeants. Les snobés. Les sots métiers, les sots tout court. Les badgés qu’on tutoie sans accepter de l’être en retour, qu’on prénomme sans y penser, ni Monsieur ni Madame. Ceux qu’on désigne, qui se résignent. Les trop-femme, les pas assez. Les ridés, les bridés. Les mal sapés, mal nés, mal branlés. Les mal vus, les bien-mais, les moins bien, les différents mais pas vraiment. Ceux qui n’existent au monde que lorsqu’il s’agit de les moquer. Ceux qui ne doivent jamais mal le prendre mais qui serrent les dents pour éviter d’exploser. Et qui finissent par tout laisser passer. Ceux qui ne font tellement pas d’histoire qu’on ne leur en écrit jamais.

Mais ça, c’était avant. Avant que Gilles Marchand n’offre des mots à ceux qui d’habitude en souffrent.
Un réverbère à ceux qui manquent de lumière.
Du coffre à toutes ces voix qu’on n’entend pas.
Et sous son crayon s’est jouée une partition un peu punk qui m’a fait fredonner les Béruriers. Une musique pour ceux qui lèveront peut-être un jour ce poing, serré, trop longtemps resté au fond de la poche.
Un salut à toi, à hommage à tous.
Un incontournable de cette rentrée.

L’instant de la fracture, d’Antoine Dole

Je ne savais pas, en ouvrant ce livre, que je m’installais sur une planche. Face à moi, Antoine Dole en lanceur de couteaux pas décidé à m’éviter, et ses mots, ses phrases, courtes, en poignards. Certains m’ont effleurée, plantés au plus près pour m’empêcher de bouger. Souffle coupé, à ce moment-là, je respirais encore. D’autres m’ont transpercée. Le cœur, le ventre. Les jambes. En plein dedans. A genoux la lectrice. L’écrivain sait viser, sans trembler, laissant ça à ceux qui le lisent.

J’ai donc tourné la première page sans me méfier et écouté penser celui qui raconte, qui veut dire. J’ai senti sa boule de mots trop mâchés au fond de la gorge. A force de les garder sans pouvoir rien en faire, ils se sont agglutinés. Morceaux de chair arrachés qui ne veulent pas être avalés. Mais au cours du repas, c’est décidé, il tentera de les cracher, les envoyer au milieu de la table, aux yeux de tous. Ce sera ici, maintenant. Mais qu’il est dur de dire, qu’il est dur de sortir ce qui est coincé. La vie en éboulis, tombée, cassée. Et la voix qui essaie d’en sortir, écrasée. Au fond de la gorge, le cristal pur de l’enfance devenu verre pilé. La fracture n’a rien épargné.

Il n’aura fallu que 45 pages à l’auteur pour me fracasser. 45 pages, ce n’est rien, me direz-vous. Détrompez-vous, parfois c’est exactement ce qu’il faut. Le talent n’a pas besoin de plus pour s’exprimer, il sait exploser en espace restreint.

Mr Dole, je vous ai découvert grâce à ma fille, fan d’Adèle. Jamais je n’aurais cru que, du haut de ses 9 ans, elle me mènerait à un auteur que j’aimerai autant. Heureusement que ma curiosité et mon amour pour la littérature estampillée jeunesse m’ont guidée jusqu’à ce livre-là, bien orientée que j’étais par ma jolie Rose. Je vous lirai à nouveau, soyez-en certain. Je reviens de mourir m’attend d’ailleurs déjà et je pressens que je n’en sortirai toujours pas indemne.
Et vous, lecteurs, franchissez la barrière, dépassez vos a priori. Il n’y a pas que Oui-oui au rayon jeunesse, il y a Antoine Dole aussi. Et vous savez quoi ? C’est mortel ! 😉

Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson

Je n’avais jamais lu Tesson. Et pire, je n’avais jamais eu envie de le lire. Mais ne dit-on pas qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ? Alors, même si j’ai tendance à l’être sacrément parfois, quand il s’agit de littérature, je n’ai pas ce travers-là. J’ai donc lu Tesson, cet écrivain-voyageur parti seul, 6 mois, dans une cabane au bord d’un lac de Sibérie. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas le froid qui m’a giflée, c’est le livre tout entier.

On le croirait fou, n’est-ce pas, cet homme à ce point éloigné de la société qu’il décide, au moins pour un temps, de s’en échapper. Mais croyez-moi, s’il l’est, alors il est des fous qu’on devrait écouter plus attentivement.
Se soustraire au monde est sûrement l’un des actes de rébellion les plus forts, mais c’est aussi accepter de se confronter, soi, et de voyager plus loin que ce que l’on aurait pensé, au cœur de notre propre forêt. C’est se risquer au possible ennui, à côtoyer son chaud et son froid, et oser se regarder sans artifice et sans reflet, puisque sans l’Autre.
 
Alors j’ai accepté de m’attarder et de frissonner en plein été. Au bord du lac Baïkal, j’ai écouté Sylvain Tesson me parler des ours, de la vodka, des pins nains et des mésanges lugubres. J’ai lu en tendant l’oreille. Sur le papier, sa voix et le silence des hommes. Autour, les bruits de la forêt, de la vie vraie, loin du tumulte citadin. Et en sentant le vent gronder et la froidure m’envelopper, je me suis abritée dans la cabane à mon tour et m’y suis sentie bien, protégée. Cocon utérin, foyer maternel, elle m’a prise en son sein tandis que je m’y enivrais des aphorismes de celui qui l’habitait.
 
Il ne faut pas se fier au calme apparent de l’eau après son gel, ni à celui de la forêt en plein hiver. Ne pas croire l’ermite aussi tranquille qu’il y paraît. L’agitation est plus profonde que ce que la surface et les cimes ne laissent deviner. On pourrait ne voir à peine que quelques fissures, un peu de vent dans les branches alentour, mais dessous, la vie, ses mouvements et ceux passionnants de l’esprit-fleuve du Tesson. Ainsi, si l’ermite est philosophe, il est aussi et surtout moins tranquille qu’il n’y paraît car l’esprit ne connaît pas le repos. Et tant mieux, parce que le lire aura apporté beaucoup au mien.
Ainsi, si l’ermite est philosophe, il est aussi et surtout moins tranquille qu’il n’y paraît car l’esprit ne connaît pas le repos. Et tant mieux, parce que le lire aura apporté beaucoup au mien.

Loin des hommes, retiré de la société, l’anachorète y pense pourtant souvent et nous livre, par bribes, ses pensées. Mais était-il vraiment si seul dans sa tanière ? Pas vraiment. Entouré de ses livres, de ses chiens, de vodka et de son temps libéré, Tesson s’accompagne et nous offre une place dans sa bulle.


Alors oui, je n’avais jamais lu Tesson, mais j’ai lu Tesson, et je relirai Tesson. Et je compte bien continuer à le conjuguer à tous les temps, longtemps.

Ma story, de Julien Dufresne-Lamy

Ce n’était pas prévu mais Batool va passer à la télé ! Repérée sans avoir rien demandé, elle hésite peu et finalement se démène pour convaincre sa famille d’accepter. Il faut dire que c’est tentant, cette sorte de Kho Lanta pour adolescents. Et à peine annoncée, la nouvelle fait son effet et à son retour, elle est devenue une star dans son lycée. Elle, Batool, jeune fille sans histoire. Sauf que justement, créer des histoires, la télé, elle sait faire. Alors d’images coupées en paroles tronquées, Batool va découvrir chaque semaine ce qu’il reste de son aventure depuis son canapé. Jusqu’au jour où…

J’arrête là le résumé parce que cette histoire, il faut la lire et la faire lire. A nos ados, à nos enfants. A tous finalement. C’est un petit livre important qui met la lumière sur la manipulation par l’image et les mots, et les dérives des réseaux sociaux. En quelques pages, Julien Dufresne-Lamy souligne l’importance du recul, de la réflexion, du doute, de la bienveillance. Ne pas juger trop vite, trop fort, tant qu’on ne sait pas tout, et même si. Penser à l’autre, celui dont on se moque, celui qu’on insulte, celui qui reste derrière, de l’autre côté, et qui reçoit les vagues. A l’heure du tout-va-vite, du tout-public, des mots et du soi affichés, le harcèlement prend une toute autre mesure. Ce n’est pas nouveau tout ça, évidemment, mais l’ampleur a changé. Et pour les souffre-douleur, il n’y a vite plus d’abri.

J’ai été touchée, très touchée, par Batool. Alors j’ai glissé ce livre sur le chevet de ma fille, pour qu’elle sache, qu’elle réfléchisse, et qu’on en discute, encore. Parce que même à 9 ans et encore préservée, elle peut comprendre et apprendre, à se méfier, à mesurer ses mots, mais aussi à se protéger. Parce que justement, à 9 ans, ce livre-là se fera graine et grandira avec elle. Et je ne peux que vous conseiller de faire de même. Le format est parfait (96 pages, mise en page claire et aérée), le prix aussi (5,90€). Y a plus qu’à foncer en librairie 😉

Un battement d’elle, de Gaston Marie

Cette histoire, c’est celle de Sylvie, atteinte d’un cancer en phase terminale. Cette histoire, c’est son battement, le dernier. Celui qui vit encore mais qui emporte. Celui qui dit non, qui dit pas encore. Celui qui dit, tout, quand on ne peut plus parler. Prisonnière de son corps malade, Sylvie se raconte, elle hier, elle aujourd’hui. Elle dit sa vie, sa maladie. Et puis vient ce battement qui engloutit. Cotonneux, sans bruit. Mais de ce battement, Gaston Marie fait un papillon. Il lui donne une elle et un lui. Il lui donne une vie. Et alors, Sylvie renaît, presque, ailleurs. Prisonnière sans parole d’un nouveau corps, encore.

Vous devez vous en doutez, je n’ai pas pu m’en empêcher. Ce voyage poétique et philosophique, je l’ai lu en double. Elle d’un côté, lui de l’autre, le parallèle était presque parfait. Et puis, je les ai fait se croiser. Ça non plus, je n’ai pas pu m’en empêcher. L’écho avait fait trembler mes murs, bien plus que ce que j’avais imaginé. Le cancer pulmonaire, le déni. Le corps qui lâche petit à petit. L’hôpital. Les yeux dans le vague, le regard déjà un peu parti. La voix qui fuit. La morphine, l’Hypnovel. Tout. Alors, quand j’ai refermé le livre de Gaston, je lui ai écrit. « Je sais que ce que j’ai vu comme des réponses à mes questions sur la fin de vie des malades n’en sont pas. Je sais que tu n’es pas dans leur tête, que tout ça n’est qu’une fiction, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre, par moments, une autre voix que celle de Sylvie ». Oui, je le sais, j’ai voulu l’entendre, lui.

Mais j’ai aussi entendu le soignant bienveillant, plein d’amour pour son métier et ses patients. Celui qui fait tout pour que la fin soit moins brute, que les contours soient plus doux. Celui qui met du coton sur les derniers instants. L’auteur est docteur en cancérologie, et je crois que si ce livre est si plein d’humanité, c’est parce que ses deux luis, le médecin et l’écrivain, le sont aussi. Alors merci pour ce Battement d’elle, ce battement d’eux. Celui de ceux qui partent sans pouvoir dire et à qui tu as prêté une voix et tes mots, doux. Beaux.

Et que ne durent que les moments doux, de Virginie Grimaldi

Il y a les chambres que l’on n’a pas eu le temps de préparer, et celles qui ont vécu. Le berceau pas monté pour l’une, les posters encore punaisés dans l’autre. La vie qui arrive, trop vite, et qui reste sous cloche, et celle qui part s’épanouir ailleurs, autrement. L’enfant ici, l’enfant là-bas, mais toujours trop loin des bras. Deux mises au monde, deux peurs, deux douleurs de mère, et les angoisses, les hésitations, les doutes qui vont avec. Du nouveau-né au déjà-grand, chaque étape de l’enfant fait naître une nouvelle femme, aux premiers pas hésitants et aux nuits sans sommeil.  Et chacune de ces mues laissent des cicatrices presque invisibles au dehors mais toujours sensibles au dedans. Parce que si les traces extérieures s’estompent souvent, le cœur lui, se souvient sans cesse.

Ce sont pour ses raisons que, quand Virginie Grimaldi a rapidement présenté son nouveau roman il y a quelques semaines, j’ai tout de suite su. Oui, j’ai su que son cœur allait encore faire déborder le mien. Et sans en avoir lu un mot encore, tout est remonté. Piqûre. Ouverture. 1,8kg, on l’emmène Madame. Agrafes. Où est mon bébé ? Et puis les larmes, les blouses, les bips, les sondes, les pesées. Les couches trop grandes, les bras trop vides, le cœur si plein.

Alors bien sûr, j’ai lu douloureusement, mais j’ai aussi souri, et ri, beaucoup. Et puis j’ai ressorti ma première bande tubulaire/écharpe de maman kangourou, touché mon ventre, embrassé mes enfants. Appréhendé le futur, fait revivre le passé. Et plus je tournais les pages, plus mes cicatrices rosissaient. Parce qu’elle sait faire ça, Virginie. Elle sait mettre du baume là où le cœur en a besoin, en écrivant avec bienveillance et humanité la vie et les gens, les vrais, ceux qui ont des sourires qui tremblent, ceux qui doutent, les imparfaits, les trop et pas assez, ceux qui marchent droit mais qui boitent une fois leur porte fermée. Ceux qu’on croise. Ceux qu’on est. Et ça fait du bien, tellement de bien.

Alors je dis oui, Et que ne durent que les moments doux. Et sous la plume de Virginie Grimaldi, c’est bien parti pour, croyez-moi.

Les falaises, de Virginie DeChamplain

V. a fui la Gaspésie dès qu’elle a pu, laissant derrière la maison, la mère, les femmes de sa vie. Mais un appel vient la chercher au cœur de la ville. Sa mère est morte, elle est partie. Alors V. revient. Un départ pour un autre, le dernier pour l’une, le nécessaire pour l’autre. Pour que la vague vienne, il faut que l’eau qui la compose se replie. Alors retour au nid, ni chaud ni douillet. Retour à l’enfance. Mais ça étourdit, ça engourdit, ça creuse le trou en dedans. Et au creux des murs, le long de la galerie, à travers les fenêtres qu’on laissent ouvertes, le vent s’engouffre, le froid avec. Plus de protection. Mise à nu. V. se découvre. De l’origine de son monde.

Sa mère est morte, sirène échouée, et son chant lui crie aux oreilles. Alors V. se recroqueville dans les carnets de sa grand-mère. Elle la lit, l’apprend. Cette grand-mère jamais connue se dessine et les femmes de sa vie prennent corps tandis que V. se souvient de son enfance, courue, au long des voyages incessants, imposés. Odeurs des villes, des paysages. Crises de mère. Partir encore. Fuite en avant. Courir le monde. Croiser les amants éphé-mères. Alors, petit à petit, tandis que les fils tissent, le voyage se profile. Des rives du Saint-Laurent à l’Islande. Suivre les traces. Elle qui était restée pour les effacer, ranger, nettoyer, les laisse finalement la guider. Venue pour faire le vide, elle fait le plein.

Ainsi, au pied des côtes hautes et abruptes, il y a le fleuve et parfois la mère, mais c’est dessus qu’il faut aller pour la trouver, et sentir son vide en-dessous. Nous avons tous nos falaises, nos blocs de roches érodées par le sel et le vent, par nos vies et ce qui les a construites. Nous les grimpons ou restons en bas à les regarder. Les falaises, créatrices d’écho quand on y crie, mères de vertiges si l’on regarde en bas, bâtisseuses d’horizons nouveaux si l’on regarde au loin. Et, sous la plume forte et poétique de Virginie DeChamplain, un peu tout ça, mais surtout un magnifique roman à lire absolument. Pour la beauté brute de son paysage, l’oralité à fleur de peau de son verbe, le souffle nouveau entre ses lignes. Et le voyage, par-delà les mères.

Watership Down, de Richard Adams

Confinée au fond de mon terrier, ne sortant que pour travailler, je rêvais de collines, d’herbes hautes, vertes, dorées, odorantes, de fleurs, d’horizon. Besoin d’espace. Besoin d’air, d’évasion, de respirer à plein poumons. Alors j’ai regardé mes étagères, remplies de fenêtres d’encre et de papier. En effleurant les tranches de tous ces livres endormis, je me suis souvenue que @goodbooks_goodfriends m’avait conseillée une histoire de lapins… Watership Down, voilà, c’est ça. Ce serait donc lui. Mais en l’ouvrant, je ne me doutais pas un instant que ces 544 pages allaient me faire voyager autant. Ça fait lourd comme attestation de déplacement, je vous l’accorde, mais pas de panique, vous ne sortirez pas avec. Vous partirez dedans.

Les premières pages tournées, je n’ai plus lâché ni la patte de Fyveer, ni celle d’Hazel. Et puis il y a eu Bigwig, Pipkyn et tous les autres. Et je me suis attachée à chacun. Je les ai regardé farfaller (lisez, vous saurez), fuir, construire, lutter, dormir, rêver, espérer. Rien de passionnant pensez-vous ? Vous vous trompez. Et je ne sais pas quoi vous dire pour vous en convaincre.

Au fil de l’histoire de ces lapins partis de leur garenne condamnée pour tenter de se construire un avenir meilleur, vous serez tour à tour touchés par leur courage, soufflés par leur ingéniosité, happés par leurs aventures. Vous tremblerez pour eux, croiserez les doigts, prierez Krik (lisez, vous saurez aussi). Et puis vous serez aussi saisis par la beauté des paysages que vous traverserez avec eux. Vous aurez parfois du soleil plein les yeux, ou de la pluie sur l’échine, du vent sur les flancs, de la vase plein les pattes. Et vous sentirez les primevères et les laitues. Les fèves. L’herbe fraîche. Et les dangers, souvent. Alors il faudra que vous soyez sur vos gardes et que vous tendiez vos oreilles car ce ne sera pas une promenade, bien au contraire.

Vous devrez vous défendre, réfléchir et courir, vite.
D’ailleurs, vous devriez commencer maintenant. Oui, oui, allez-y, courez… sur le site de @monsieurtoussaintlouverture (ou en librairie, dès que…) pour vous procurer sans tarder ce ticket pour l’aventure vers la colline de Watership Down. Oh, attendez… on me souffle que la collection Grands animaux accueillera très bientôt la garenne d’Hazel-Shâ sur ses terres, et que les précommandes sont ouvertes ! Alors, vous attendez quoi ? J’ai tapé de la patte, courez !